Andrise Pierre

Saison 25-26
© Valerie Baeriswyl

Andrise Pierre est dramaturge et enseignante en littérature haïtienne. Pour son projet de résidence, elle va convoquer Électre, figure en quête de vérité marquée par la loyauté et la confusion identitaire, pour interroger l’impact des récits familiaux sur notre perception de soi et du monde.

En 2026, elle sera accueillie en résidence d’écriture sur la Communauté de communes Berg et Coiron pour l’écriture de son texte Chère Électre.

Biographie

Andrise Pierre est dramaturge, féministe, membre du Collectif des Auteur·rice·s Dramatiques Haïtien·ne·s. Elle reçoit en 2019 le 3e Prix du texte francophone d’ETC Caraïbe pour sa pièce Vidé mon ventre du sang de mon fils, et en 2020 le Prix SACD de la dramaturgie francophone pour La petite fille que le soleil avait brûlée, également texte lauréat du comité Le Quartier des Autrices et des Auteurs (QD2A) pour la session 2022-2023.
Son écriture interroge la mémoire coloniale, la dictature haïtienne, la migration et les identités féminines, à la croisée de l’histoire, du patrimoine et de la littérature. Invitée d’honneur du festival En Lisant en 2022, elle participe à de nombreuses résidences en Haïti, en France et à l’étranger.
Elle est actuellement doctorante en Études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle, où elle mène une recherche sur les écritures et la scène décoloniales et féministes dans la Caraïbe francophone.

Note d'intention

Chère Électre

L’acte d’écrire implique souvent une forme de mise à nu de soi-même, une exposition de nos pensées, émotions et expériences les plus intimes. Dans ce processus où l’auteur·rice se dévoile, exprime sa vérité et partage une partie de son être avec le monde. Cette vulnérabilité inhérente à l’écriture peut être terrifiante, car une fois les mots sur la page, ils prennent vie et n’habitent plus l’auteur·rice, le personnage devenant lui-même un autre.

Dans le domaine de l’écriture de soi en particulier, cette idée est encore plus poignante. Lorsque nous écrivons sur nos propres vies, nos souvenirs, nos luttes et nos triomphes, nous nous exposons non seulement à l’interprétation des autres, mais aussi à notre propre jugement. C’est comme si nous nous tenions devant un miroir, confrontés à nos vérités les plus profondes. Mais la vérité est une notion plutôt complexe. Déformée ou dissimulée. Intentionnellement ou non. Notre vérité peut alors devenir notre mensonge. Celle-ci, une fois découverte, comment contrôler et maîtriser ce geyser furieux qui ne nous appartient plus ? Il n’y a pas longtemps, j’ai ressenti le besoin de défaire une écriture.

Dans ce projet, je convoque Électre parce que sa quête est profondément complexe, légitimée par un mélange de motivations personnelles, de désir de justice et de loyauté envers son père, Agamemnon. Elle ressent un besoin viscéral de vérité, non seulement pour elle-même, mais aussi pour honorer la mémoire de son père et restaurer l’équilibre dans sa famille déchirée par les secrets et les mensonges.

Que se passerait-il si Électre découvrait que son père biologique n’était pas Agamemnon ? Cette révélation ne saurait ne pas bouleverser profondément sa quête, mais aussi son destin. Non seulement elle remettrait en question son essence identitaire, mais ébranlerait également son sens de la justice et de loyauté envers sa famille. Sa quête de vérité ne prendrait-elle pas alors une nouvelle dimension, puisque teintée par la confusion et la douleur de découvrir que l’homme qu’elle a toujours cru être son père ne le serait pas ? Serait-elle confrontée au choix déchirant de poursuivre sa quête de justice au risque de détruire les fondements de sa propre identité, ceux de sa famille ? Ou ne faudrait-il pas taire cette vérité, qu’elle poursuive sa vie, ignorante, afin de préserver ce qui reste de son monde ? L’essence même d’Électre, sa rédemption personnelle ne réside-t-elle pas cette quête du Graal qu’est la vérité ? Qui est Électre sans la vérité ?

Il y a quelque chose dans les mythes qui me font me sentir vivante. Ces femmes dépeintes comme des figures de force, de courage, de sagesse et de résilience, mais aussi de passion, de vulnérabilité et de failles. Toutes ses femmes habitent en moi. Leurs histoires sont les miennes, elles m’habitent et m’inspirent à puiser dans ma propre force intérieure pour embrasser ma complexité en tant qu’individu, en tant que femme.

La Comédie de Valence
Place Charles-Huguenel 26000 Valence

Billetterie : 04 75 78 41 70
Administration : 04 75 78 41 71